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Le mercredi 16 mars 2022, j’ai eu l’honneur de recevoir ViviAnn et James de JV du Fermoir de Monsac et Charlie de la Maison Charlie Grilhé. Nous avons parlé de tenues de mariage et de diversité. Voici la retranscription de nos échanges.

Capture du live : on est pas magnifiques ?

Je vais commencer par vous laisser vous présenter :

ViviAnn : Nous sommes James et ViviAnn du Fermoir de Monsac. On a ouvert une entreprise, dans deux jours, ça fera un an à Strasbourg de création de tenues de mariage, de tenues de scènes et de tenues de soirée sur mesure. De nos noms civils, Benjamin et Cédric. On vient de démarrer notre première grande saison complète de mariage.

Charlie : Je fais moi aussi du drag, même si c’est plus occasionnel. Moi c’est Charlie, je viens à la base de l’univers du théâtre, du cinéma. J’ai été costumière, j’ai été productrice et je me suis lancée à faire ce que j’ai toujours voulu faire, c’est-à-dire la fabrication, il y a un peu plus de deux ans. Je fais du mariage, mais pas que. Je fais aussi du drag, de la scène, de la reconstitution historique et surtout de la corseterie. Ça commence aussi à décoller, et c’est ma première vraie saison de mariage qui commence.

Comment vous est venue cette envie de basculer vers le mariage ?

ViviAnn : Nous, ça nous est venu de part notre rencontre. Le premier qui a fait la robe de mariée de sa sœur, c’était moi. Elle s’est mariée, il y a trois ans. J’ai fait mes études dans la mode et j’ai lâché mes machines à coudre pendant dix ans, jusqu’au jour où ma soeur m’a annoncé son mariage et qu’elle me dise “Du coup, tu fais ma robe ?”. J’ai fait cette robe. À ce moment-là, j’étais chaud pour ouvrir une entreprise, mais seul, c’était compliqué. Jusqu’au jour où je rencontre James.

James : Pareil pour moi. Déjà, il y a eu cette rencontre avec Cédric/ViviAnn de la Maison du Fermoir de Monsac. Mais, pour moi, c’est aussi un rêve de gamin, car je viens d’une très très grande famille. J’ai fait je ne sais pas combien de mariages de cousins, au moins une vingtaine ! Du coup, je voyais tellement de robes et je trouvais ça tellement impressionnant ! On attend tellement ce moment de pouvoir voir la robe.

ViviAnn : Et donc quand on s’est rencontrés, il faisait la robe de mariée de sa sœur [De ma sœur jumelle, précise James]. Et c’est là qu’on s’est dit : “Et si on faisait ça le restant de notre vie ? Mettre des paillettes dans les yeux de tout le monde.” Et dans les nôtres au passage !

Charlie : C’est marrant parce que, James, je comprends totalement parce que moi, j’ai une grande famille et j’ai littéralement grandi dans les mariages. Donc c’est un petit peu pareil. Si je n’entends plus bien d’une oreille, c’est parce que je m’endormais sur les enceintes pendant les mariages. True story ! C’est vrai que le mariage, c’est comme toi, James, c’est depuis toute petite. Je m’imaginais comment serait ma robe. Je faisais des déguisements et des costumes depuis toute petite, pendant les mariages, avec tout ce que je trouvais, tout ce qui me tombait sous la main. J’en ai même fait un avec du papier journal. Donc, moi, c’était une évidence. Le costume, le mariage, ça marche plutôt bien. Pour la plupart des gens, c’est un peu le seul jour dans leur vie où ils ont envie de s’éclater, de se faire un truc qui change et de se faire se plaisir, de s’octroyer ce luxe. Pour moi, c’était complètement évident. Et ce qui m’a fait complètement basculée, c’est qu’on m’a demandé en mariage, il y a deux ans et donc je suis moi-même en train d’organiser mon mariage qui va se passer au mois de septembre. Et donc je m’entraîne pour ma robe ! D’un point de vue personnel, là où j’avais envie de faire des robes de mariée, c’est que justement, dans mon enfance, j’ai vu plein de robe de mariée qui allaient pas forcément très très bien aux futur.e.s marié.e.s et j’avais envie de faire quelque chose qui aille : des poitrines joliment maintenues, des tailles joliment marquées, des formes qui étaient adaptées à ces gens. J’avais vraiment envie que les gens se sentent beaux et que toutes les morphologies aient droit à avoir une tenue qui leur convienne.

James : Et que tous leurs styles aussi, qu’on puisse les voir aussi. Moi, c’est beaucoup ça. Quand je voyais mes cousins et mes cousines et que je voyais leurs tenues : “mais c’est pas du tout toi, là ! Le costume trois pièces redingote, c’est pas trop trop l’image que j’ai de toi.” Donc, je suis comme toi, y a ça aussi, un moment où je me suis dit “y a un truc bizarre”.

Charlie : Moi, il y avait l’aspect grande taille aussi, parce que j’ai eu l’opportunité d’aller essayer des robes. Je ne fais que un 42-44, je ne suis dans la catégorie “grande taille”. Je suis sur cette limite bâtarde et chaque fois que j’ai essayé des robes, ça va que j’étais prête et préparée, que je savais que j’allais avoir des trucs ouverts dans le dos ! Mais, je me suis dit que j’aurais essayé mes robes il y a dix ans, ça m’aurait effondrée psychologiquement. Et en plus, les conseils ne sont souvent pas adaptés à des gens qui font plus que du 40 ou alors qui ont des seins qui sont plus gros que du C. En fait, tu te retrouves avec des robes où tu ne sais même pas si ça va t’aller, parce que tu as un truc baillant dans le dos, on veut absolument cacher tes seins, … Le plus size c’est aussi quelque chose de très important. J’avais envie que les personnes rondes ou avec une morphologie qui ne soit pas quelqu’un de très mince qui fait du 36 puisse avoir quelque chose qui leur corresponde et qui les sublime.

ViviAnn : Mais qu’est-ce qu’on a contre les gens très minces [rires] ?

Charlie : Rien du tout ! [rires] Mais pour la corseterie, je préfère quelqu’un qui a des formes. Des gens qui font du 36, j’en ai déjà habillés, mais tu as moins de variété, de formes que tu peux proposer à des gens très minces.

ViviAnn : Étant donné que je porte des corsets, je vois très bien de quoi tu parles !

Charlie : Ben oui, parce que quand tu es comme moi, et que tu as un petit peu de marge autour des côtes, tu peux modeler. Mais quand tu es direct sur les côtes, tu vas pas t’amuser à appuyer sur les côtes des gens.

ViviAnn : Oui, tu peux potentiellement péter les côtes de l’autre ! [rires]

Charlie : Mais je vous promets le corset, ça fait pas mal !

ViviAnn : C’est vrai, tu respires plus, mais c’est pas grave ! [rires]

Pourquoi les gens passent votre porte en particulier ?

ViviAnn : Je pense qu’en ce qui nous concerne, il y a déjà une ouverture d’esprit. Les gens arrivent chez des drag, donc ils savent déjà qu’il n’y aura aucun préjugé sur rien. On est déjà chelous nous-mêmes, alors on va pas se permettre de juger les gens. Si les gens viennent chez nous, c’est parce que, quand on a ouvert notre entreprise et qu’on a fait notre défilé, on a tenu à montrer qu’on habillait toutes les personnes sans aucune distinction, qu’elles soient de taille, d’âge, de forme, peu importe. On a vraiment communiqué là-dessus, ce fait qu’on accueille tout le monde de manière bienveillante et qu’on cherche à faire des choses différentes. Donc toutes les personnes qui ne se reconnaissent pas dans ce qu’on peut trouver dans le prêt-à-porter, c’est difficile pour elles. Y a pas cinquante milliards d’options, donc je pense que c’est ce qui fait que nos clients et nos clientes passent notre porte, qu’on propose quelque chose de différent et toujours dans la bienveillance et la bonne humeur.

James : C’est ça, et puis on a une clientèle qui vient avec une image plus classique de la robe, mais elles veulent choisir la dentelle, la forme, la coupe, la finition et pouvoir travailler sur leur robe depuis le début.

Charlie : Ça rejoint un peu ce que dit James. J’ai à la fois des gens qui sont assez inspirés par l’aspect historique, des gens pour qui le corset vend du rêve. Mais j’ai aussi des gens qui ont des envies plus “classiques”, mais qui ont vraiment envie de quelque chose de sur-mesure. Ce que j’ai remarqué, c’est que les gens me viennent parce qu’ils ont envie d’un moment privilégié : on va pouvoir se poser, on va pouvoir discuter, on va pouvoir s’assoir autour d’un thé ou d’un café…

ViviAnn : Ou d’une bière ! [rires]

Charlie : Écoutez, au moins ici, elle est bonne ! [rires] Et donc, je me retrouve avec des gens qui me racontent tous les préparatifs de leurs mariages. Je fais à la fois leur robe de mariée, mais je deviens aussi une confidente et c’est très chouette, parce que je ne m’attendais pas forcément à ça ! C’est une très agréable surprise ! Je deviens vraiment leur contact privilégié. Cela crée une relation qui est très très humaine et je pense que les gens qui viennent me voir, ce sont des gens qui veulent une relation humaine, qui veulent savoir d’où vient leur robe, qui ont envie d’être exigeants, et ça leur fait du bien. Et le mieux, ce sont les gens, je pense que vous avez ça aussi, ils essayent et ça fait “Han ! Je suis une princesse !”

ViviAnn : Nous, on en est pas encore là, parce qu’on commence à faire essayer les premières commandes, donc on verra si elles se sentent princesses. Le seul mariage qui a déjà eu lieu, c’était un mec, donc il ne se sentait pas trop trop princesse. En plus, il était fan de Black métal, donc je pense que son but, ce n’était pas de se sentir princesse ! [rires] Mais en revanche, on a quand même vu ses yeux briller et ça, ça fait énormément de bien !

James : L’entendre dire “c’est tellement moi ! Vous avez vraiment compris !”, ça c’est cool. Chez nous, ce qu’on fait beaucoup aussi, on s’investit un peu plus : on va les aider à choisir leur maquillage, leur coiffure, leurs fleurs, leurs chaussures, … Des fois, même le thème du mariage part d’un tissu de la robe ou d’une couleur. Donc ça aussi, c’est ce qu’elles aiment bien, on arrive à débloquer un intérêt pour autre chose que la robe et du coup, elles se confient aussi à nous, elles nous demandent conseil. Ce n’est pas rare, par exemple, que les marié.e.s nous rappellent “et c’était quoi l’idée du chignon là ?”

Charlie : Le nombre de photos de chaussures que j’ai reçu dans mes conversations avec mes futures mariées ! C’est quasiment que des chaussures. Les coiffures aussi, c’est un petit peu pareil. On se met à faire plus finalement que le vêtement.

ViviAnn : On est make-up artists aussi donc … Je suis un ancien coiffeur, ça joue beaucoup aussi. Donc il y a ce truc où, en plus de la robe, comme avec Charlie, on va proposer pas d’autres services, mais on va parler de tout le reste et donner des idées pour débloquer d’autres choix sur d’autres sujets. Donc c’est cool.

James : On commence à se faire un cercle de partenaires avec qui on travaille. Donc on les envoie chez nos partenaires. Et par exemple, notre fleuriste nous appelle “alors, vous avez vu quoi ? La cliente m’a dit que c’était vous qui choisissiez !”. C’est plutôt cool !

ViviAnn : Il y a celles qui nous laissent carrément faire faire leur bouquet, à leur place ! [rires] Par exemple, on est en train de faire une robe bleue, et la cliente veut une couronne de fleurs, bleu roi du coup. J’ai eu la fleuriste au téléphone et on va construire ensemble la couronne de fleurs de la cliente : on lui a envoyé les photos de la robe, on lui a montré le bleu et on a discuté ensemble de ce qui irait bien. On a juste appelé la cliente pour la prévenir qui a répondu “Ok ! C’est cool, je suis trop contente !” [rires]

Charlie : C’est marrant parce que je vois qu’on a un peu la même évolution avec Fermoir de Monsac, parce qu’on s’est créé vraiment pas très très loin, moi c’était un tout petit peu avant vous, mais vraiment pas très très loin. Et c’est marrant parce que moi aussi, ça se passe un peu pareil. On a créé un collectif avec mon fiancé qui est bijoutier, donc bon, c’est du sur-mesure, unique, ça se reliait un peu. Ma meilleure amie est fleuriste donc on a fait “hé, tu veux faire des trucs avec nous ?”. Et on est devenus super copains avec une photographe, on a fait “hé, tu veux faire des trucs avec nous ?” et donc nous aussi, on est en train de se développer une espèce de groupe prestataires de mariage. On se conseille les uns, les autres. C’est marrant de voir qu’on a ce même type d’évolution de petits créateurs locaux.

ViviAnn : Et ce qui est cool, c’est de voir que ce sont des gens qu’on a rencontrés dans le salon du mariage. On avait un peu peur au début. On va débarquer comme ça au salon du mariage [montre son visage maquillé], tu vois le genre ! [rires] On est assez contents parce qu’à travers les autres partenaires, on s’attendait pas forcément que les gens adhèrent à ce que l’on fait et au final, on se rend compte que c’est une grosse teuf H24 ! [rires]

Est-ce qu’il y a des limites à ce que vous pouvez faire ?

ViviAnn : On a une limite pour l’instant qui est le tailleur. C’est-à-dire qu’on a des clients hommes, mais pour le moment, la seule chose qu’on ne peut pas faire, c’est la veste de tailleur que ce soit homme ou femme.

Charlie : C’est une technique à part !

ViviAnn : Tout à fait, c’est une technique à part, c’est un métier à part que nous n’avons pas appris. On refuse de faire créer des choses qu’on ne sait pas faire.

James : On peut dire aussi le corset !

ViviAnn : Oui, on ne fait pas de corset non plus. Pour le moment, on a pas eu de cliente qui nous en a demandé, mais on connaît très bien l’adresse de Charlie, donc on sait que le jour où on nous demande un corset, c’est pas chez nous qu’il faudra venir, on enverra directement chez Charlie ! Nous, ce sont plus ces aspects techniques spécifiques de la couture qu’on ne maîtrise pas, on ne veut pas se lancer dedans pour ne pas faire d’impairs et créer des choses qui ne sont pas super qualitatives. On compte agrandir l’entreprise un jour, on espère avoir des employés, c’est prévu qu’on embauche un ou une maître-tailleur pour compléter l’équipe. Mais pour l’instant, c’est notre seule limite : le tailleur et le corset.

Charlie : Ma limite, c’est la même et pour les mêmes raisons. Le tailleur, c’est un métier à part, une formation à part. On me l’a demandé récemment parce que je suis en train de faire un corset de mariage, un corset uniquement, et la personne voulait que je lui fasse une veste et un pantalon de tailleur. Je lui ai dit “Ecoute, moi, je peux en faire, certes, mais je te conseille d’aller voir un tailleur.” Je lui ai donné plusieurs adresses, ça dépend de ton budget, de ce que tu veux faire. Le jour où j’aurais peut-être fait une formation pour ça, ok, mais je pense que là. Je me lance dans le kilt, alors là … on va pas s’en rajouter.

ViviAnn : Il vaut mieux faire moins de choses, mais les faire correctement que de faire et de faire mal.

Charlie : Y a des gens qui le font formidablement bien. Je préfère envoyer à quelqu’un que de faire quelque chose de médiocre.

Y a-t-il des obstacles récurrents qui feraient que la clientèle se tourne vers vous ?

ViviAnn : On a plusieurs client.e.s, ce sont plutôt des clientes, quand on a des clients, ils viennent plutôt pour une demande spécifique. Les clientes, on en a plusieurs qui ont fait deux-trois boutiques de robes de mariée avant, si ce n’est pas plus, qui se sont confrontées à différents soucis : parfois, elles se plaignent d’un manque d’écoute des gens qu’elles ont pu croiser, de l’accueil, ou elles se rendent compte qu’on ne cherche pas vraiment à prendre en compte leur personnalité dans ce qu’on leur propose. Il y a des gens qui ont une taille différente. Et après, on a les personnes qui ont des demandes vraiment spécifiques et qui n’essayent même pas ailleurs avant de venir chez nous. Donc les obstacles principaux viennent souvent d’autres essayages qui ne se passent pas forcément super bien, où elles se disent que finalement, en faisant du sur-mesure, elles auront quelque chose de plus adapté.

Charlie : C’est un peu pareil. C’est soit des gens qui veulent des choses vraiment très spécifiques, soit des gens qui ont une certaine sensibilité pour tout ce qui est vintage ou historique. Y a aussi les gens qui se penchent vers la corseterie. Mais il y a surtout ce côté taille différente, ce côté accueil, et aussi une perte de confiance envers le prêt-à-porter. Y a des gens qui ont littéralement peur d’aller faire des essayages pour les raisons que j’évoquais tout à l’heure. Et on ne parle même pas de grandes tailles, on parle de gens comme moi, qui font du mid-size, qui sont sur du 42-44, éventuellement 46, qui ne veulent même pas essayer des robes, car elles savent que dans la plupart des boutiques, il n’y aura pas leur taille, qu’elles ne seront pas très bien conseillées. Il y a aussi et surtout un vrai attrait pour le local et le sur-mesure. Et je pense qu’avec le covid, il y a une vraie envie de retourner à des prestataires locaux.

ViviAnn : C’est quelque chose qui a bouleversé les choses. Les gens se mettent à consommer local et à s’inquiéter pour les petites entreprises du coin, donc c’est vrai que pour nous, c’est pas plus mal. C’est triste à dire, mais c’est pas plus mal.

Une tenue challenge, celle qui vous a donné du fil à retordre ?

ViviAnn : Oh bah, nous, c’est un peu comme ça à chaque fois ! [rires] Des fois, on dessine des trucs, on se dit “Wah, c’est trop une bonne idée!” et puis après, on se dit “Mais pourquoi j’ai dessiné un truc pareil ?”. Notre toute première commande, c’était pas une commande pour du mariage, c’était une commande pour du spectacle. C’était un costume pour un couple qui faisait de la pole dance. Shame on me ! J’ai dessiné un costume qui était très cool, avec plein de petites ogives en tissu qui étaient sur le justaucorps, qui faisaient comme une espèce d’envolée d’ailes. C’était sublime ! Mais au moment où j’ai dû le réaliser, que je découpais mes petites ogives, que je devais les coudre une à une en point zigzag, pour que ce soit extensible, que j’étais là, à faire le tour de mes ogives, j’en ai fait une en un quart d’heure ! Je me suis dit “Y en a cent cinquante-deux sur chaque body ! Pourquoi j’ai dessiné ça ?”

James : Il y a des moments où je partais de l’appartement, parce que je me dis que j’allais me prendre la machine dans la g***** à un moment donné.

ViviAnn : Je crois que j’ai insulté la planète entière à ce moment-là ! Je pense que c’est une bonne anecdote !

Charlie : Ça me parle ce que tu dis parce que j’ai eu une tenue de patinage artistique à faire pour la fille d’un couple d’amis qui fait de la compèt’. Il me dit : “D’habitude, on passe par d’autres couturières, mais t’es notre pote, on a envie de te donner du boulot.” Moi, je débutais et j’ai fait “oui”. Je n’avais jamais cousu le moindre truc extensible ! Je viens de l’historique, je rappelle, le stretch, ça n’existe pas dans l’historique ! On fait dans le tissu d’ameublement de chez Toto, l’historique, c’est ça ! Donc t’arrives avec le truc, ok d’accord… Juste comme toi, quand j’ai commencé à lire les instructions et qu’ils disaient “c’est simple, vous tirez, vous mettez dans la surjeteuse”. On est d’accord que le lycra, c’est compliqué. Y a eu ça et la toute première robe de mariée. Enfin, non, j’avais déjà fait une combinaison, mais bon pareil, je n’avais jamais fait de pantalon de ma vie, mais très bien, on va faire une combi. Je l’ai faite en deux jours, entre le 31 décembre et le 2 janvier, il y a trois ans, parce que c’était un mariage qui n’était pas prévu et qui s’est fait en trois semaines. Voilà, j’ai fait le meilleur réveillon de ma vie, j’ai bu une coupe de champagne et j’y suis retournée. La toute première vraiment que j’ai faite, robe, le problème, c’est que ce n’était pas du tout mon style, mais genre pas du tout. Et donc là où j’ai eu beaucoup de mal, c’est que je me suis dit “est-ce que le style ne me parle pas ou est-ce que j’ai grave merdé ?”. J’ai passé tout le long de la fabrication à me dire “est-ce que c’est juste le style qui ne me plaît pas ou est-ce que je suis nulle ?”. Quand j’ai livré la robe, ma mariée était ravie, j’ai brodé des centaines de petites notes de musique une à une, j’ai fait une partition de musique sur la robe. Le mariage n’est pas passé, donc je ne montre pas la robe. Ça a été très dur, avec les plissés, plissés à la main, posés à la main, avec des trucs… La mariée était super contente, mais quand j’ai rendu la robe, je me suis mis des mines quasiment tous les soirs pendant une semaine. J’exagère. J’ai bu tous les soirs, j’ai choppé le covid que je n’avais pas eu en deux ans. Elle m’a tellement mise en galère cette robe, que j’en ai choppé le covid !

ViviAnn : Notre premier client, c’était un homme. C’est Damien, on a d’ailleurs posté hier des photos. C’était un fan de black métal. C’était un gros challenge aussi, parce que le gars nous a quand même appelés fin août : “Coucou je me marie dans trois semaines.” “Oui.” “Du coup, j’aimerai une cape, une chemise, un gilet, un pantalon et une demi-jupe.” “Ben ouiii”.

James : Non, la demi-jupe, il ne l’avait pas dit. C’est nous qui l’avons rajouté. Et quand il est parti, on s’est dit “mais on est trop c***”.

ViviAnn : On est maso quand même à vouloir faire encore plus que ce qu’on nous demande. Du coup, on s’est partagé le boulot. Moi je faisais la chemise, le pantalon. Le gilet, on s’y est mis à deux. Et il a fait la cape et la demi-jupe. Donc bon, on a réussi à faire ça en trois semaines, mais c’était intense.

Charlie : La robe de mariée, au départ, je n’étais pas sensée faire une partoche avec tout un vrai morceau de musique. Je n’étais pas sensée découper note par note. Mais je me suis dit “c’est une chanteuse d’opéra, je ne vais pas lui faire un truc qui n’a aucun sens.”

ViviAnn : On va pas lui faire Frère Jacques, quoi ! [rires]

Charlie : Alors qu’elle ne me le demandait pas. Elle ne me l’a jamais demandé. Pourquoi je l’ai fait ?

James : Et j’ai fait la partition de Bach sur sa robe ? [rires]

Charlie : Non, j’ai fait leur chanson de couple, du coup. Je leur ai demandé : “Vous avez une chanson de couple ?” Et donc voilà, j’ai mis leur chanson.

ViviAnn : Heureusement que ce n’était pas du Eminem, parce que tu en aurais ch** ! [rires] Désolée, c’est le côté drag queen qui revient.

Quand on pense sur-mesure, on pense que ça va avoir un prix démentiel … mythe ou réalité ?

ViviAnn : Il y a une réalité, c’est que, clairement, ce qu’on trouve chez Z*** à vingt balles, nous, c’est impossible de le faire. C’est sûr, il y a un budget. Après, notre prix de départ pour une robe de mariée, c’est 1500€. Donc vis-à-vis des prix du marché, c’est largement faisable, parce que, même dans le prêt-à-porter, c’est le milieu de gamme du prêt-à-porter. Ce sont nos clients qui fixent le budget. C’est-à-dire que quand on va se donner le rendez-vous et qu’on va dessiner avec la personne sa tenue, c’est la troisième qui arrive, c’est “c’est quoi le budget ?”. Comme ça, on le sait et on dessine quelque chose qu’on peut créer dans le budget de la personne. Et cela va forcément influencer le choix des matières et tout. Pour l’instant, on a déjà eu des appels de gens pour une combinaison et qui nous disent “c’est pas une robe de mariée, c’est une combi, je peux l’avoir pour 250€.” Ben non, pour 250€ , c’est cinq heures de travail, donc on a le temps de ne rien faire, même pas une manche. On est un peu confronté à tout : il y a des gens qui n’ont pas cette réalité, mais on ne leur en veut pas, parce qu’on vit dans une société où n’importe qui peut s’acheter un tee-shirt à trois balles chez S***. Les gens ne sont plus habitués à payer…

James : Ils n’ont plus les repères des vrais prix.

ViviAnn : Oui, ce n’est plus dans l’inconscient collectif des gens. Et à côté, il y a des gens qui sont tout à fait l’inverse. Qui s’imaginent que s’ils ne claquent pas 5000€ , ils ne vont pas pouvoir se payer une de nos robes. Mais non !

James : Alors si, c’est possible !

ViviAnn : On peut la faire à 5000€, on peut la faire moins cher ! On est pas D**** et G******. Et puis même si un jour l’entreprise fonctionne, cela nous tiendra à cœur de rester correct au niveau des tarifs. Le but, ce n’est pas d’afficher des prix exorbitants non plus, c’est vraiment de pouvoir s’adapter au budget de nos client.e.s et de leur proposer au mieux quelque chose qui soit dans ce qu’ils veulent et dans leur budget.

Charlie : Moi, j’ai rien à ajouter, c’est quasiment tout pareil !

ViviAnn : On vit tous la même chose !

Charlie : Oui, c’est ça ! Il y a beaucoup de gens qui sont persuadés qu’ils ne pourront pas s’offrir ça. Il y a aussi beaucoup de demandes de “bonjour, je veux une robe au même tarif que du prêt-à-porter fait en Chine.” Alors après, j’ai développé aussi quelques robes de cérémonie civile, qui sont des choses très simples où là, je peux m’adapter à un budget minimum. Mais je le fais très peu, parce que pour moi, c’est assez peu rentable. Je l’ai fait un petit peu pour tester, mais la cérémonie civile, pour l’instant, je suis encore en train de tâtonner, parce qu’il y a un truc qu’on n’a pas forcément encore abordé, qui est hyper important dans les artisans indépendants textiles en France : c’est qu’on a des gros problèmes de tarifs. Donc je suis très contente de savoir que vous vous positionnez un petit peu comme moi, c’est-à-dire, faire des tarifs de gens qui se payent. Sauf qu’en France, on a énormément d’artisans indépendants qui ne se payent pas, littéralement.

ViviAnn : Pour le moment, on ne se paye pas, mais l’idée, c’est quand même qu’un jour, on puisse le faire ! [rires]

Charlie : Si ça peut te rassurer, c’est un petit peu compliqué de mon côté aussi. Ne t’inquiète pas, c’est pas évident, je te comprends ! C’est tellement important ! C’est assez spécifique, parce que là, je vais vous parler de la corseterie, mais par exemple, en France, un nombre important de corsetières (parce que les corsetiers qui s’en sortent, eux, ils font les bons tarifs, c’est triste, mais c’est comme ça), les filles se sous-payent dans mon milieu. C’est juste l’enfer ! Je me retrouve avec des gens qui me disent : “Mais tes tarifs, c’est quoi là ? Qu’est-ce qu’il se passe ? C’est énorme !” Et je leur réponds “Mais non, tu ne te rends pas compte que c’est le minimum que je te fais. C’est juste que derrière, y a plein de gens qui bossent gratos.” Et c’est pour ça que ça me fait plaisir, parce que je ne suis jamais allée vous voir pour connaître vos tarifs. C’est hyper important pour nos confrères et nos consœurs, pour que vous surviviez, pour que nous survivions en tant qu’artisans. Faites des tarifs qui nous permettent de vivre et de survivre. Déjà pour le moment, on est sur la survivance…

James : C’est pour nous aussi. Sur les années…

ViviAnn : Pour qu’on puisse continuer à proposer nos services, il faut bien que l’entreprise vive, et on est en France, y a des charges, y a de la compta à faire. Et encore, pour le moment, on ne se paye pas et nos charges sont basses, parce que c’est la première année. Mais évidemment, si on veut pouvoir vivre et continuer à travailler, on n’a pas d’autre choix. On fait des robes pas trop chères, 1500€, ce n’est pas non plus…

Charlie : C’est le prix boutique. C’est le minimum.

ViviAnn : Oui, c’est ça ! Les robes de cocktail, c’est pareil, c’est autour de 500-700€, pour les demoiselles d’honneur, ce genre de choses. Mais si tu vas sur A**E***, tu vas t’en acheter une de robe de cocktail pas chère, mais après, il faut se dire que tu repasses ta robe une fois, t’as la marque du fer dessus, l’ourlet se défait pendant le mariage, … Voilà, au bout d’un moment… Les gens sont quand même au courant, on n’a pas eu énormément de problèmes avec ça. Et même les personnes qui ne savaient pas trop et avec qui on n’a pas pu travailler parce qu’on était hors budget, ont toujours compris et l’ont toujours pris correctement. On n’a jamais eu personne qui nous a dit quelque chose. Ils nous ont juste dit qu’on était pas dans le budget, qu’ils ne pouvaient pas se le payer, mais qu’ils comprenaient tout à fait qu’on soit dans ces budgets-là. Les gens sont conscients du travail que cela représente et de la corrélation que cela a avec le prix.

James : C’est aussi une crédibilité à notre travail. Si on le brade, je crois qu’on est d’accord, Charlie, il n’a pas beaucoup de valeur.

Charlie : C’est respecter son propre travail, c’est se respecter soi et respecter son travail. Et après on est obligé de faire un travail d’éducation, ce qui pose un autre problème, parce qu’en tant qu’indépendants, on aimerait bien coudre à un moment. Parce que, je ne sais pas vous, mais j’ai l’impression de moins coudre depuis que je suis professionnelle qu’avant.

ViviAnn : Ah bah, c’est sûr qu’entre la compta, les trucs et les machins, c’est clair !

Charlie : Et encore, je suis en coopérative !

ViviAnn : Nous, c’est une SAS qu’on a, donc on a toute la partie comptabilité, gestion, tout ça. Mais c’est vrai qu’il y a un petit travail d’éducation en plus. Il faut prendre du temps, pour certaines personnes, pour expliquer, pour leur faire comprendre que ça coûte cher, faut qu’on mange. Après, on les reçoit dans notre appart, donc ils comprennent que si les placards sont pleins, c’est qu’on travaille, en fait.

Charlie : C’est pareil ! C’est mon appart aussi, mon showroom.

Dans les photos qu’on trouve sur le net, il y a très peu de diversité, comment vous l’expliquez ?

James : Dans tous les cas, la mode française a toujours eu ce stéréotype là, que la femme française, c’était la Parisienne, très fine, très élancée. Je pense que c’est aussi un truc que les Français aiment garder, il faut le dire, dans ce côté historique, l’art, la mode française. Il y a beaucoup ça en France, on a vraiment que ça en France comme exemples. En Amérique, on a d’autres exemples, depuis les années 60, ça a commencé à bouger un peu chez eux. On a essayé de s’en inspirer un peu maladroitement. Mais je trouve que ça commence à arriver …

ViviAnn : Le problème, c’est que maintenant, c’est un truc que je déplore un peu, pour faire la diversité, on met des vieilles. OK, super. Elles sont où les personnes racisées ? Elles sont où les personnes qui ont du surpoids ? Les personnes très très minces, c’est pareil, on les voit dans les défilés, mais considérées comme des cintres. C’est-à-dire que dans une publicité à la télé, on ne voit ni de gens en surpoids, ni de gens en sous-poids. Le problème du poids, le problème de la couleur de peau, de l’âge, de toute la question LGBT, on n’en parle même pas … On est dans un pays, je pense, où ça va mieux, où même les médias sont en retard par rapport à la mentalité des gens. Nous, on se rend compte avec les clients qu’on reçoit, les gens qu’on rencontre au salon du mariage que les gens sont bien plus ouverts d’esprit que ce à quoi on s’attendait. C’est comme si, au final, c’étaient les médias qui étaient en retard, que les marques étaient en retard sur leurs communications, alors que les gens sont prêts à voir, je vais parler crûment, du noir, du pédé, du gros, … Ça fait partie de notre société aujourd’hui, les gens sont beaucoup plus ouverts que ce qu’on pense. C’est super triste de voir que les marques, elles-mêmes, se cantonnent à des trucs qu’elles faisaient y a vingt ans … Je ne connais pas la raison, mais c’est super triste en fait.

Charlie : Si je peux me permettre, pour avoir bossé en agence de comm’, qui était un de mes nombreux boulots, ce qu’on a remarqué, ça rejoint un petit peu ce que vous dites, et que la clientèle, le public est beaucoup plus en avance que l’entreprise qui communique. Dans ma boîte, il y a eu plusieurs fois des propositions à des clients, donc des grosses entreprises, de choses qui changeaient un peu, qui étaient un peu plus inclusives. On n’était pas sur de la grosse révolution, soyons honnêtes, ça sortait un tout petit peu des sentiers battus. Je parle par exemple, d’un truc qui a été fait pour une grande marque de pâte à tartiner qui avait fait une énorme recherche sur les ados et les enfants et leur manière de voir la vie. La recherche était génial, on a eu deux heures de présentation, c’est trop bien de savoir ce qu’il se passe dans la tête des enfants partout dans le monde. Tu te rends compte qu’ils sont inquiets pour l’avenir, pour l’environnement, ce qu’ils veulent c’est avoir une vie décente et être en bonne santé. Le client n’a pas aimé. Ce qu’il voulait, c’était d’entendre des ados qui voulaient être célèbres sur les réseaux sociaux. Ils ont refusé l’étude. Et c’est la même chose avec l’inclusivité. C’est comme l’idée d’utiliser des boobs et des culs, ça fait vingt ans, je crois, que l’étude a été faite qui prouve que ça ne fait pas plus vendre. Ça a été prouvé, il y a eu plein d’études, le boob, le cul féminin, cis, hétéro, évidemment, ne fait pas plus vendre.

ViviAnn : Chez nous en tout cas, le cul masculin, ça marche bien ! [rires]

Charlie : Je ne sais pas, je n’ai pas les informations ! [rires] Les entreprises sont super à la bourre, elles sont littéralement déconnectées des vrais gens. Ce sont des gens dans leur tour d’argent, c’est l’entre-soi ultra riche, c’est ni plus ni moins que ça. Ce sont des gens riches, qui veulent voir des gens blancs, minces, cis.

ViviAnn : Ce qu’ils ont autour d’eux au final. On a pu vraiment voir l’évolution des choses. Sans le vouloir, on est devenu une marque qui communique différemment, avec d’autres valeurs. Pourquoi on l’a fait ? Parce que ça nous ressemble et que c’est ce qu’on voulait faire. Quand on a vu l’engouement des médias autour de notre entreprise (pour les gens qui ne nous connaissent pas, après notre défilé, on a eu la chance d’être très très médiatisé dans le monde entier), on s’est rendus compte malgré nous, que ce qu’on faisait, ça leur paraissait extraordinaire, alors que nous, ça nous paraît juste normal. C’est ça qui est très triste, c’est de se dire qu’au final que quand tu as une entreprise qui communique en parlant de tout le monde, c’est extraordinaire. Alors que non, ça devrait être la norme. On est sept milliards d’individus sur Terre, on doit parler des sept milliards d’individus et pas seulement d’une certaine branche de la société.

Charlie : Je reviens sur ce que tu disais, pourquoi en France, on est à la bourre. J’ai remarqué, pour fréquenter pas mal d’Anglais et d’Américains, ce sont de grands pays, il y a beaucoup de gens, et il y a toute une catégorie de la population, quand même assez large, qui a envie d’aller vers du mariage alternatif. En France, cela fait encore très très peur, je ne saurais pas te dire pourquoi. Je suis en train d’organiser mon mariage, je ne m’attendais pas à ce que mes exigences soient extraordinaires. On fait pourtant un truc qui est plutôt classique. Je suis allée voir le traiteur hier, ils ne savent pas ce qu’est un végétarien, 2022 bonjour ! Ils pensent toujours qu’on bouffe du poisson. Et je te dis pas la tête des pièces montées. Je voulais juste un truc qui ne soit pas dégueulasse, moi, c’est tout ! Impossible à trouver !

ViviAnn : On a de bonnes adresses, si jamais !

Charlie : J’ai trouvé, on va passer par eux pour plein de raisons. Mais d’un point de vue esthétique, vous êtes coincés en 1988 ? Qu’est-ce qu’il se passe ?

ViviAnn : Ce n’est pas parce que je suis végétarienne, que je ne mange que de la polenta ! Et de la salade verte ! [rires]

Charlie : Et du saumon et de la truite ! [rires] Alors que non, justement !J’ai l’impression qu’on est super à la bourre, en fait.

Quelle est la tenue que vous rêvez de faire ?

ViviAnn : On est en train de réaliser un de nos rêves, ce n’est pas encore signé, mais on a vu la cliente, et on devrait faire un mariage à la cathédrale [de Strasbourg].

Charlie : Han ! Je suis jalouse !

ViviAnn : On ne va pas vous décrire la robe ni rien, parce que ce n’est pas fait.

James : C’est clairement un style qu’on affectionne. Quand on a ouvert la boîte, on s’est dit : “si un jour, on peut faire un mariage à la cathédrale…”

ViviAnn : Si ça se fait, ce serait dingue, parce que ce serait vraiment un de nos rêves, en dehors d’habiller Lady Gaga ou Beyoncé. Mais au bout d’un moment, il faut qu’on reste sur terre …

Charlie : D’expérience, ça peut arriver ! Pas moi, mais ça peut arriver.

ViviAnn : Si c’est Ariel Dombasle, on est content aussi. [rires] On est super reconnaissant, en tout cas, de tout ce qui nous arrive. On se paye toujours pas, on en vit toujours pas, mais rien que l’expérience humaine, c’est extraordinaire.

Charlie : Alors ma tenue de mes rêves. C’est vrai que je suis en train de faire ma ou, peut-être mes robes, je ne vais pas pouvoir en parler beaucoup plus.

ViviAnn : Du coup, j’en ai douze ! [rires]

Charlie : J’en ai deux déjà ! [rires] C’est très dur de se réfréner ! C’est super dur de faire sa robe de mariée, parce que tu te mets une pression de dingue : si ça se trouve ce que je vais choisir, ça va être pas terrible, ça se trouve je vais regretter après, ça se trouve je vais faire des erreurs techniques que je vais voir toute ma vie sur les photos … C’est très très stressant. Ma robe de rêve ? Bah si, c’est quand même un peu celle que je suis en train de me faire…

Comment vous gérez quand le.la client.e vous demande quelque chose que vous n’aimez pas ?

James : Ça nous est déjà arrivé une fois, où ce n’était pas vraiment le style ou la couleur qu’on aimait pas, mais la mariée en voulait trop. Elle voulait tout sur la robe. Donc, on a “édulcoré”, on lui a dit en gros “si on rajoute ça, ma belle, ça fera too much”.

ViviAnn : On est là pour conseiller. Après clairement, quelqu’un qui veut quelque chose qui lui ressemble, mais qui ne nous ressemble pas, on ne va pas refuser. On est personne pour lui dire que ça n’ira pas.

James : Comme notre marié black métal, comment dire que ce n’est pas notre style de tous les jours …

ViviAnn : Ça va nous demander un peu plus de travail, il va falloir qu’on fasse des recherches sur le style etc. pour pouvoir proposer quelque chose de cohérent. Mais par contre, quoiqu’il en soit, le projet n’est pas sensé nous plaire à nous, il est sensé plaire à la personne qui nous le commande. Si un jour, on nous demande un truc qui va être moche, on le dit aussi, on est là pour aider.

James : Et on dira non. Si on arrive pas à faire changer la personne d’avis…

ViviAnn : On ne va faire un truc ignoble. On va expliquer pourquoi ce n’est pas une très bonne idée et puis voilà. De manière générale, les gens sont très réceptifs. C’est-à-dire qu’ils nous font quand même vachement confiance. On ne leur fait rien essayer quand ils arrivent, on dessine. Le croquis, c’est une chose, mais il faut qu’ils arrivent à se projeter, mais les gens nous font assez confiance. Quand on demande un truc et que nous, on dit “attention, c’est peut-être la meilleure des options parce que …”, les gens sont assez confiants et en général, ils nous écoutent quand on leur dit qu’un truc ne va pas être le mieux, ils écoutent les conseils sans problème.

Charlie : Tout pareil, encore un peu beaucoup [rires] . Je rigole, mais ça m’est déjà arrivé de faire une robe qui n’est pas dans mon style, j’en ai parlé tout à l’heure, et ça a été un vrai challenge. J’ai accepté parce que j’avais justement envie d’apprendre de nouvelles techniques. Je pense que c’est un truc qui vient de l’historique, la mode historique, c’est une mode, c’est juste que c’est plus espacé dans le temps. Je sais qu’il y a des périodes que je n’aime pas, que je n’aime vraiment pas. Par exemple, ça ne va pas vous parler, mais le 1830, c’est juste dégueulasse. Les meufs ressemblaient à des poupées avec des nids d’oiseaux sur la tête. Mais j’estime qu’il y a toujours des modes, si je ne les aime pas, c’est juste que je ne les connais pas encore assez. Il y a des styles, si je n’aime pas, je vais me pencher dessus, parce que si ça se trouve, je n’ai pas regardé toutes les options de ce style, de ce goût. Peut-être que je n’ai pas compris l’intérêt du truc. Bon, 1830, je n’ai toujours pas compris, mais j’essaye toujours. Et justement, quand j’ai fait cette robe qui n’était pas mon style, j’ai fait “ça va être l’opportunité d’apprendre, et tu verras, ça t’apprendra peut-être”. J’essaye d’apprendre à aimer l’esthétique. Après je parle d’un style, je parle pas de quelqu’un qui va arriver en me disant “je veux du vert et du rose et des froufrous partout”. Effectivement, parfois, il y a des gens qui croient savoir ce qu’ils veulent, mais souvent, ils disent savoir ce qu’ils veulent, mais ce n’est pas ce qu’ils veulent vraiment, ni ce dont ils ont besoin. Je pense que faire quelque chose pas dans mon style, ça m’a appris à poser des limites, chose que je ne savais pas faire avant. Au fur et à mesure de la confection de cette robe, j’ai réussi à poser des limites et à conseiller la personne et on a réussi à trouver quelque chose qui nous convenait à toutes les deux.

Dernière question : pourquoi qu’à Strasbourg ?

ViviAnn : On est trop pauvres pour s’exporter ! [rires] Si on suit notre business plan, on aimerait ouvrir plusieurs ateliers en France. Si ça marche bien, qu’on arrive à survivre avec notre entreprise strasbourgeoise, il est prévu qu’on ouvre des ateliers du Fermoir de Monsac ailleurs en France, mais faut pas être pressé !

Charlie : L’idée, c’est que je reste toute seule, parce que j’aime bien être toute seule dans mon atelier. Par contre, j’ai des clients en région parisienne et à Orléans. Je vais voir ma famille, donc j’y vais de temps en temps. Donc Orléans, la région parisienne, je fais des trucs. En revanche, ça reste moi, avec mes petits moyens de moi toute seule, donc c’est limité, je ne peux pas tant de robes. C’est la grande magie de l’artisanat, c’est qu’on est limité.

ViviAnn : On ne peut pas tout faire ! Par contre, avis aux autres drag queens de France, n’ouvrez pas d’ateliers de robes de mariée, parce que bon … ! [rires] Non, c’est une boutade, tant que vous ne les appelez pas du Fermoir de Monsac. [rires]

Merci beaucoup d’avoir suivi ! Merci encore à James et ViviAnn du Fermoir de Monsac et Charlie Grilhe d’avoir accepté de répondre aux questions et pour ce moment super chouette !

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